Grève mondiale pour le climat

« Le changement arrive »

Des centaines de milliers de marcheurs sont descendus dans les rues de Montréal hier pour se rallier à la cause défendue avec ardeur par Greta Thunberg. La jeune environnementaliste a profité de l'occasion pour dénoncer l’inertie de la classe politique.

Grève mondiale pour le climat

La frénésie « Greta Thunberg » frappe Montréal

Le nom de Greta Thunberg était sur toutes les lèvres, hier. Il était scandé dans la majorité des slogans et écrit en grosses lettres sur beaucoup de pancartes. Beaucoup ont qualifié son passage à Montréal d’« historique », alors que des centaines de milliers de marcheurs sont descendus dans les rues pour se rallier à la cause défendue avec ardeur par la jeune environnementaliste.

L’aventure montréalaise de la jeune militante a débuté en matinée, lors d’un point de presse où elle s’est exprimée d’une voix ferme, avec calme et assurance. Les organisateurs du mouvement, quelques dignitaires autochtones et de nombreuses personnalités, dont David Suzuki, étaient attentifs à chacune des paroles prononcées par l’adolescente la plus connue au monde.

Elle s’est dite excitée d’être à Montréal, mais surtout heureuse de se tenir debout avec des gens de partout autour de la planète pour une cause commune.

« C’est très émouvant de voir autant de gens passionnés et mobilisés pour la marche et la grève, des gens de tous les âges, de toutes les générations », a-t-elle dit.

Elle a profité de cette première apparition publique de la journée pour glisser un mot sur sa rencontre avec le premier ministre Justin Trudeau et exprimer son sentiment général par rapport à la classe politique.

« Mon message pour les politiciens à travers le monde est toujours le même : “Écoutez et agissez en vous basant sur la science.” J’essaie de ne pas me concentrer sur les individus, mais plutôt d’avoir une vue d’ensemble. C’est facile de blâmer une seule personne, et [M. Trudeau] a beaucoup de responsabilités, mais c’est sûr qu’il n’en fait pas assez », a-t-elle dit.

Des manifestants conquis

Greta Thunberg a conquis les manifestants, le temps d’une marche.

« Make the world Greta again », affichaient des pancartes, habile référence au slogan de campagne du président américain Donald Trump. Plus loin, sur quelques affiches portées à bout de bras par des adolescents enthousiastes, on pouvait lire la phrase How dare you ?, tirée de son discours prononcé à l’ONU lundi dernier. D’autres petits groupes déambulaient carrément avec d’immenses photos de la jeune Suédoise.

Greta Thunberg, elle, se trouvait à la tête de l’immense cortège qui a pris d’assaut la métropole, du parc Jeanne-Mance jusqu’au parc urbain situé sur le boulevard Robert-Bourassa, à l’angle de la rue Bonaventure.

Le visage tantôt souriant, tantôt déterminé, elle brandissait avec une fierté manifeste le message Skolstrejk för klimatet – « grève scolaire pour le climat » en suédois.

Son discours de clôture parsemé de mots en français a suscité des cris de joie et d’admiration et des applaudissements retentissants. Visiter le Canada, c’est un peu comme revenir chez elle, a-t-elle dit. Elle a énuméré avec une pointe d’humour, devant une foule euphorique, les similarités entre le pays et sa Suède natale : les orignaux, les hivers froids, la neige, le hockey sur glace…

Après de multiples remerciements adressés aux marcheurs, elle s’est réorientée vers la cause environnementale. Elle a dénoncé l’inertie de la classe politique et ses mesures qu’elle estime insuffisantes : « Nous marchons pour la planète et un meilleur futur […] Cette semaine, les leaders du monde entier se sont rassemblés à New York. Ils nous ont déçus une fois de plus avec leurs mots vides de sens et leurs plans insuffisants », a-t-elle dénoncé. « S’ils avaient fait leur travail, nous n’aurions pas à nous inquiéter », a-t-elle renchéri.

Les clés de la ville

Un rassemblement de jeunes guettaient avec espoir l’arrivée de leur idole à l’entrée de l’hôtel de ville de Montréal. La jeune environnementaliste s’y trouvait pour rencontrer Valérie Plante. Souriante, la mairesse lui a remis les clés de la ville. Ce geste a une valeur symbolique. « Greta sera toujours la bienvenue dans la métropole québécoise », a expliqué la mairesse. Elle a également remercié sa jeune invitée d’avoir « porté un message franc, qui ne laisse personne indifférent ».

Mme Plante a qualifié la journée d’hier d’« absolument exceptionnelle ».

Malgré les nombreux médias présents et les multiples remerciements, c’est une Greta Thunberg plutôt décontractée qui s’est adressée au public pour cette courte apparition, sa dernière de la journée. Vêtue d’une chemise à fines rayures, chaussures sport bleues aux pieds et cheveux tressés, elle s’est dite reconnaissante de la réception positive de sa visite et dépassée par l’ampleur de la marche. Elle a invité tous les sympathisants à continuer leur mobilisation.

À travers l’histoire, les importants changements sociaux sont survenus grâce aux mouvements populaires, affirmait la jeune militante plus tôt hier après-midi. « Le changement arrive, qu’il vous plaise ou non. »

— Avec la collaboration de Raphaël Pirro et Jean-Thomas Léveillé, La Presse

Manifestation pour le climat

Une « pédago » pas comme les autres

À l’occasion de la grande manifestation pour le climat, la Commission scolaire de Montréal avait décrété une journée pédagogique pour permettre à ses élèves de sortir dans la rue. Cette décision a été critiquée par le premier ministre François Legault, qui a averti les enseignants que ce n’était pas une journée de congé. La Presse a suivi hier des enseignants de l’école primaire Saint-Jean-de-Brébeuf, dans Rosemont, qui ont compté les heures qu’ils auraient à reprendre, mais pas leurs pas.

Les visages de la marche

Nos journalistes sont allées à la rencontre des manifestants qui ont défilé au centre-ville de Montréal.

Félixe Dionne, 30 ans, s’est présentée à la manifestation déguisée en cornichon. Pourquoi ? « Pourquoi pas ? », répond-elle en riant. Elle était visiblement enchantée de voir la foule aussi nombreuse. « Il faut que les choses changent, maintenant », dit-elle. Au dos de sa pancarte, on lisait : « La nature est sexy. »

Olivier Gauvin et Jonathan Bacon travaillent tous deux pour l’organisme Rézo, qui fait la promotion de la santé de « gars qui couchent avec d’autres gars ». Ils ont uni leur travail à la cause environnementale avec une affiche pour le moins originale.

Kattam Laraki-Côté (à gauche) s’est joint à d’autres manifestants munis de percussions pour soulever la foule. « Sau-sau-sau, sauvez la planète », scandaient des dizaines de personnes autour d’eux. Un véritable party au cœur de la manifestation. « J’ai fait 200 mètres en une heure », a dit l’homme, visiblement heureux de ces rencontres improvisées.

« Toutes les générations ont droit à des changements, incluant la nôtre. Nous sommes venus en tant que scientifiques pour vous dire de croire en nous », a expliqué Romane Manceau, venue avec ses collègues, tous vêtus de leur sarrau. Ils sont tous doctorants en neuroscience.

« Ma génération s’est battue pour plusieurs causes, eux ils se battent pour la leur et ils sont beaux à voir. C’est magnifique et historique », a dit Diane Latraverse, citoyenne présente parmi la foule monstre.

« Si le gouvernement continue à faire les mêmes choses, nous n’aurons pas d’avenir. C’est pour les générations futures qu’on est là », a soutenu le jeune Édouard Debert, venu « pour se faire entendre ».

Marée humaine à Québec aussi

QUÉBEC — On attendait des centaines d’étudiants, il y a eu des dizaines de milliers de personnes. Hommes, femmes, parents, enfants et personnes âgées ont défilé en si grand nombre dans les rues de la capitale que des organisateurs se sont dits estomaqués par l’ampleur de la mobilisation.

« On est plus qu’épatés, a lancé Camille Poirot-Bertrand, de La planète s’invite à l’Université Laval. On est très contents de voir les citoyens de Québec se mobiliser pour un enjeu aussi important. »

« Si on continue comme ça, si nos moyens de pression continuent d’augmenter sans cesse, à un moment donné on va la gagner, cette lutte », a-t-elle ajouté.

Il était 11 h lorsque le rassemblement a débuté près du Musée national des beaux-arts. La foule, d’abord surtout composée d’étudiants, était parsemée de pancartes de syndicats, de groupes écologistes, et on y trouvait des politiciens de différents partis.

Mais de minute en minute, elle s’est faite plus dense, plus étendue. On a commencé à y voir des parents, des enfants, des baby-boomers.

Lorsque le cortège s’est mis en branle sur la Grande Allée, il mesurait plusieurs centaines de mètres.

« On espère qu’ensemble, on va faire comprendre au gouvernement qu’il doit faire des gestes qui aident l’environnement »

— Clémence Boivin, élève du secondaire

À leur arrivée devant l’Assemblée nationale, peu après midi, les manifestants étaient attendus par un autre groupe. Le rond-point qui entoure la fontaine de Tourny était entièrement occupé.

Une élève de 5e secondaire, Chloé Proulx, a provoqué un tonnerre d’applaudissements lorsqu’elle a annoncé que 25 000 personnes étaient présentes. C’est, selon les organisateurs, la plus importante manifestation pour l’environnement de l’histoire de Québec.

« Le nombre de personnes est satisfaisant, mais on ne sera jamais assez, a cependant tempéré Célestine Uhde, une des organisatrices de l’événement. Ce qu’il faut, c’est un mouvement de masse. Ce qu’il faut, c’est que tout le monde réalise à quel point on est en urgence climatique. »

Le défilé s’est poursuivi tout l’après-midi dans le centre-ville de Québec. Le Service de police de la Ville de Québec n’a rapporté aucune arrestation ni aucun incident.

Politiciens

Le maire de Québec, Régis Labeaume, a participé discrètement à la marche. Manifestement soucieux de ne pas faire de récupération politique, il était vêtu d’un chandail noir et coiffé d’une casquette des Remparts de Québec.

« Dans une communauté, ce qui peut être très malsain, c’est un fossé générationnel trop large », a-t-il indiqué.

« Alors moi, je suis ici pour dire aux jeunes de Québec que je partage leur inquiétude, que je suis solidaire. »

— Régis Labeaume, maire de Québec

Plusieurs autres politiciens étaient sur place. Le ministre fédéral Jean-Yves Duclos et le candidat libéral Joël Lightbound étaient présents. Sylvain Roy du Parti québécois et plusieurs élus de Québec solidaire y étaient aussi.

Aucun élu de la Coalition avenir Québec ne s’est présenté à la manifestation, même si le parti compte plusieurs députés dans la région de Québec. Une absence qu’a relevée le député de Québec solidaire Sol Zanetti. Il y voit la preuve que le gouvernement est « frileux » sur la question de l’environnement.

« On a réussi à leur faire reconnaître l’urgence climatique cette semaine, a-t-il dit. Et là on voit que les babines et les bottines ne suivent pas. »

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